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retiré des affaires

envoyés par-dessus bord. Ce brick-goélette, comme tous les bateaux de plaisance, était très fin de formes, et il y avait lieu de s’étonner que le capitaine eût choisi un tel bâtiment pour faire de longs voyages. D’ailleurs, tout était mystère sur le Sea-Gull. J’avais cru jusqu’alors que celui qui le commandait en était le propriétaire, mais j’appris bientôt par le matelot irlandais que nous avions deux passagers à bord un homme et une femme.

Il me semblait en effet étonnant que le capitaine voyageât pour son seul plaisir.

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La première journée que je passai sur le Sea-Gull fut des plus calmes. On ne m’employa qu’à des manœuvres insignifiantes et j’eus la chance, lorsque la brise fraîchit et qu’il fallut carguer perroquet et cacatois, de ne pas faire partie de la bordée de service.

À la nuit, le capitaine — je ne sais si j’ai dit qu’il s’appelait Ross — fit, selon la vieille coutume maritime, à laquelle certains navigateurs sont restés fidèles, prendre un ris dans la voilure et il ne resta plus sur le pont que le marin de quart, la bordée de tribord et l’homme de barre.

Mes camarades et moi, après avoir pris notre repas, nous nous réfugiâmes dans le gaillard d’avant et installâmes nos hamacs.

Cardiff, son éternelle pipe aux dents, assista à notre coucher, puis, quand il vit que tout était en ordre, il se retira dans sa chambre.

Dès qu’il eut disparu, quelqu’un ralluma la camoufle, la voila prudemment avec l’étamine bleue d’un pavillon et une partie de l’équipage se mit à jouer aux cartes. Je remarquai que les plus acharnés parmi les joueurs étaient les nègres et les Chinois. Ces gens ne se comprenaient pas entre eux, mais ils suppléaient aux paroles par une mimique étrange, coupée de temps à autre, d’interjections rauques et traînantes. Je fus assez étonné de ne pas voir circuler d’argent, mais l’Irlandais, qui était mon voisin de hamac,