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mémoires d’un cambrioleur

employé qu’entre matelots de même grade ou de même spécialité. Il est très rare qu’un maître d’équipage appelle ainsi un subordonné.

J’en conclus que Cardiff, malgré son apparence bestiale, n’était pas au fond un méchant homme… c’était un ours, un ours mal léché sans doute, mais avec lequel il serait peut-être possible de s’entendre.

Sur le pont du Sea-Gull, nous trouvâmes tout l’équipage réuni… et quel équipage, grand Dieu ! Il y avait là des nègres, des Malais, des Hindous, des Chinois et des hommes de race indécise.

L’Europe était représentée par le capitaine, Cardiff, trois matelots et moi.

Tous ces marins semblaient très dociles, et rompus à la plus sévère discipline. L’appareillage se fit avec un ensemble parfait ; les ordres étaient exécutés avec une merveilleuse précision et dans le plus profond silence.

On eût cru assister à une de ces scènes de féerie magistralement réglées comme on en voit quelquefois à l’Olympia de Londres.

J’aidai mes nouveaux camarades à étarquer la grand’voile, pendant que d’autres hissaient le foc et le grand foc.

Le capitaine, sûr de sa manœuvre, avait refusé l’aide d’un remorqueur.

Sur les quais, une foule de curieux assistaient à l’appareillage, se demandant sans doute comment le Sea-Gull arriverait à se déhaler, au milieu de tous les bateaux qui encombraient le port.

Les amarres furent larguées et le navire, plein vent arrière, glissa doucement sur le Southampton Water. Le capitaine se tenait à la barre, attentif, le sourcil froncé, modifiant insensiblement, pour éviter un empannage, la direction de son bâtiment. Lorsque nous atteignîmes la pointe de Calshot, comme nous avions maintenant de l’espace devant nous, il lança un coup de sifflet. Tous les hommes de l’équipage se rangèrent au pied des haubans de bâbord et de tribord attendant les ordres.