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mémoires d’un cambrioleur

Grâce au Régent que j’ai là, dans ma poche, je pourrai bientôt me réfugier dans cette « ville forte » dont parle l’Écriture et devenir l’égal des individus peu recommandables auxquels je faisais allusion plus haut. Quel sera mon crime ? Je n’aurai fait, en somme, que priver le public parisien de la vue d’un diamant précieux, mais je suis sûr que l’administration prévoyante ne manquera pas de remplacer la pierre absente par une autre en toc qui fera absolument le même effet.

Il paraît d’ailleurs que, dans les musées, lorsqu’un vol se produit, c’est toujours ainsi que l’on procède.

Qui pourra se plaindre ? À qui aurai-je porté préjudice ? à l’État… Bah !… il est assez riche pour supporter cela.

Le Régent avait changé de main et il allait enfin être utile à quelqu’un… Je m’étais laissé dire que ce diamant pesait 136 carats — environ vingt-huit grammes — et qu’il était estimé de douze à quinze millions. Il faudrait vraiment que la fatalité s’en mêlât pour que je n’en retirasse pas au moins deux millions… Je ne suis pas ambitieux… deux modestes millions me suffiraient…

Quelle petite dinde que cette Édith ! et comme elle regretterait son coup de tête, quand elle apprendrait que je mène à Londres un train de vie sinon fastueux, du moins assez enviable…

Elle chercherait sûrement à se rapprocher de moi et (je me connais) elle aurait peu de chose à faire pour obtenir son pardon. Un homme comme moi excuse facilement les fautes d’autrui et le petit cambriolage auquel s’était livré Édith n’était, à mes yeux, qu’une peccadille. L’acte en lui-même ne m’indignait nullement… ce que je reprochais à la petite sotte, c’était de l’avoir accompli à l’heure où j’avais besoin de toutes mes disponibilités pour établir définitivement ma fortune.

J’allais être obligé, moi qui avais des millions en poche, de me livrer, pour me procurer quelque argent, à