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mémoires d’un cambrioleur

— Appelez-moi capitaine…

— Oui, capitaine.

— Êtes-vous déjà allé aux Indes ?

— Oui, capitaine.

— Par le canal ou par le Cap ?

— Plaît-il ?

— Je vous demande si c’est par Suez ou par le Cap ?

— Par Suez…

— Bien entendu !… par Suez !… Ils sont tous les mêmes… Ça ne pense qu’à se faire remorquer ces cocos-là… Eh bien, moi, tel que vous me voyez… j’ai trente ans de navigation… vous entendez… trente ans… et je ne l’ai seulement jamais vu votre sale canal… Moi, ma route, c’est le Cap… oui, mon ami… Southampton, Lisbonne, Madère, Bonne-Espérance, Zanzibar, les Maldives et Ceylan… Voilà la vraie route des Indes et celui qui me dirait le contraire, je lui enverrais immédiatement ma botte dans le bas des reins… Il n’y a que les marins d’occasion qui passent par le canal…

Le capitaine cracha de nouveau et reprit d’un ton méprisant :

— Oui, les marins d’occasion… ceux qui apprennent la navigation dans les écoles… mais les vieux routiers comme moi doublent toujours le Cap…

— Le fait est, approuvai-je, que par le Cap…

— C’est bon… montrez-moi un peu vos papiers…

— Mes papiers ?… Je vais vous dire… hier soir, je les avais encore, mais ce matin, en me réveillant…

— Oui, je vois… vous vous êtes saoûlé hier comme un Écossais et vous vous êtes fait dévaliser… Ah ! bougre d’ivrogne, vous vous en êtes envoyé des verres de gin et de whisky, hein ? Combien ?

— Je ne sais… une vingtaine, peut-être.

— Une vingtaine !… seulement… et c’est ça qui vous a tourné la tête… Ah ! ah ! ah ! les voilà bien les marins d’aujourd’hui, ça se saoule avec vingt petits verres !… De mon temps, mon garçon, il fallait deux pintes de