Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
retiré des affaires

qui prit la parole. Sa voix tremblait et il avalait la moitié de ses mots :

— Monsieur Pipe, me dit-il, d’un ton qu’il s’efforçait de rendre solennel, vous êtes un traître.

— Un traître ?

— Qui, ne faites pas l’étonné, vous savez parfaitement ce que je veux dire.

— Je vous assure…

— N’assurez rien… je vous répète que vous êtes un traître… et je le prouve…

— Oui, parfaitement… nous pouvons le prouver, appuya Bill Sharper de sa grosse voix de basse…

— Je le prouve, reprit Manzana, qui devenait de plus en plus nerveux… Vous vous êtes sans doute imaginé que nous sommes des imbéciles auxquels on peut monter le coup comme à des conscrits… mais nous sommes plus malins que vous, monsieur Pipe… oui, dix fois plus malins que vous… Nous avons aussi plus d’honnêteté, car lorsque nous donnons notre parole, nous avons l’habitude de la tenir…

— Parfaitement, grogna Sharper…

— Mais vous, monsieur Pipe, poursuivit Manzana, vous ignorez ce que c’est qu’une parole d’honneur…

Ces circonlocutions ridicules commençaient à m’agacer…

— Au fait, dis-je… où voulez-vous en venir ?

— Ne faites pas votre petit saint Jean, railla mon ex-associé… vous savez très bien ce que je veux dire…

— Pas le moins du monde… expliquez-vous… je commence à perdre patience…

— C’est dommage… oui, c’est vraiment dommage !…

— Ah ! monsieur Edgar Pipe perd patience… Monsieur Edgar Pipe est devenu bien irritable.

Et, tout en parlant, Manzana se rapprochait de moi, menaçant, agressif… Bill Sharper ricanait en balançant son énorme tête…

— Vous voulez des explications, dit Manzana… eh