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mémoires d’un cambrioleur

Je me dirigeai donc vers le ticket-office et pris modestement un billet de troisième. Un train partait pour Southampton à six heures trente… Il était six heures, j’avais par conséquent une demi-heure devant moi. J’entrai dans un petit restaurant situé en face de la gare et me fis servir un « ox-tail soup », une tranche de roast-beef et une bouteille de bière. J’avais à peine absorbé mon « ox-tail » que la porte du restaurant s’ouvrait tout à coup, livrant passage à deux hommes : Bill Sharper et Manzana !

Était-ce le hasard qui les avait conduits dans l’établissement où je me trouvais ? M’avaient-ils fait suivre ? Cette dernière hypothèse était la plus admissible.

Ils s’avancèrent vers moi, d’un air grave, comme des gens qui ont une importante mission à remplir, et, arrivés devant ma table, s’arrêtèrent brusquement, en me regardant de façon inquiétante. Ils étaient tous deux très pâles et je remarquai que les mains de Manzana étaient agitées d’un tremblement convulsif.

— Tiens ! vous voilà, dis-je, sans paraître remarquer le trouble de mes ennemis… mais asseyez-vous donc, je vous en prie… Voulez-vous accepter quelque chose ?

— Il ne s’agit pas de cela, répondit Bill Sharper… nous avons une explication à vous demander…

— Une explication ?… parlez… je vous écoute.

— Non… pas ici… sortons.

— Comme vous voudrez… mais laissez-moi au moins achever cette tranche de roast-beef…

— Non… sortons immédiatement.

J’affectais toujours le plus grand calme, mais je sentais mon cœur battre à coups précipités dans ma poitrine.

— Très bien, dis-je, je suis à vous.

Et, après avoir réglé ma note, je me levai et suivis Bill Sharper et Manzana.

Ils m’entraînèrent dans la gare de Waterloo et là, en un coin désert, ils s’expliquèrent enfin. Ce fut Manzana