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mémoires d’un cambrioleur

avaient déjà pris place, je roulais dans ma tête les projets les plus extravagants.

À force d’envisager sous toutes ses faces ma triste situation, je finis par me convaincre que la fuite seule pouvait me sauver, car les dépositions de Bill Sharper et de Manzana allaient faire revenir sur l’eau l’affaire du diamant. Bien qu’ils ne pussent rien prouver, on n’en ouvrirait pas moins une enquête, et, finalement, je serais remis entre les mains de magistrats curieux qui s’aboucheraient avec la police française. Je nierais, bien entendu, mais le « corps du délit » — le diamant — que je portais sur moi (ou plutôt en moi) finirait bien par me trahir.

Ah ! ils étaient loin de se réaliser, les beaux rêves que j’avais formés ! L’horizon, au lieu de s’élargir, se resserrait de plus en plus autour de moi, et la prison m’attendait, au bout de l’impasse où m’avait acculé la fatalité !

Tout le long du trajet, Sharper et Manzana me décochèrent d’affreux regards chargés de haine et, de temps à autre, mon ancien associé qui était mon plus redoutable ennemi laissait échapper des paroles de menace. La lutte, cela était certain, s’engagerait surtout entre lui et moi… Mes moyens de défense seraient bien précaires et je finirais par succomber.

Nous arrivâmes au poste central.

Là, on nous enferma dans un cabanon obscur, en attendant que le chief-inspector voulût bien nous interroger… Or, il se trouva que, par hasard, le chief-inspector était absent. Il avait été appelé dans la banlieue de Londres et ne devait rentrer que le lendemain matin.

J’étais donc condamné à subir pendant près de douze heures l’odieuse compagnie de Bill Sharper et de Manzana qui ne cessaient de m’injurier. Bill Sharper, que son bras faisait horriblement souffrir, se montrait le plus acharné contre moi…

— Chien de malheur, grogna-t-il, tu me le paieras,