Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
mémoires d’un cambrioleur

— Ne m’en parle pas… répondit le cornac de ces dames… une mer épouvantable !… Mes cailles débecquetaient à plein gosier et demandaient qu’on les débarque… À présent, les voilà un peu calmées, mais j’crois qu’elles commencent déjà à se méfier des voyages…

Manzana me regardait d’un air soupçonneux.

J’avais toujours mon béret à la main et je continuais à cligner de l’œil. Il faut croire que j’étais méconnaissable avec ma tête rasée, mon teint plombé, mon visage émacié, car mon ex-associé ne parut plus s’occuper de moi.

Je cherchais un prétexte pour brusquer compagnie à ces tristes personnages, mais n’en trouvant point, je me contentai de saluer et de me diriger vers la porte.

— Eh ! matelot ! s’écria Bill Sharper… c’est comme ça qu’on largue les amis… Encore un verre, que diable !… Je fus obligé de revenir devant le comptoir et d’accepter une nouvelle consommation…

J’étais horriblement inquiet car je venais de remarquer que Bill Sharper et Manzana avaient échangé un coup d’œil…

— Tu ne trouves pas, dit soudain Sharper, que ce matelot-là ressemble comme deux gouttes d’eau à quelqu’un que nous avons bien connu ?

— J’avais déjà fait cette remarque, répondit Manzana en souriant… oui, la ressemblance est frappante, en effet… c’est peut-être son frère…

Et Manzana vint se planter devant moi pour m’examiner encore.

Soudain, je le vis sourire ; son affreuse figure eut une expression de joie indicible.

Je me sentis perdu et m’élançai vers la porte.

— Arrête-le !… arrête-le !… hurlait Manzana en s’adressant à Bill Sharper… arrête-le !… Je suis sûr maintenant que c’est lui !

J’étais déjà dans la rue.

Oubliant complètement que mon taxi m’attendait tou-