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mémoires d’un cambrioleur

chercher, sera sans doute ici dans un instant… Voulez-vous l’attendre ?

— Merci… il faut que je regagne le Humbug….

— Ah ! c’est fâcheux… oui… bien fâcheux… vous devriez attendre une demi-heure… comme cela, nous serions fixés… Supposez qu’il y ait un retard… que la cargaison n’arrive que demain…

— Je repasserai, si vous le voulez bien…

— C’est cela, revenez dans une demi-heure, nous serons certainement fixés.

J’allais sortir, quand une auto s’arrêta devant la porte. Un homme vêtu d’un complet gris clair sortit de la voiture et pénétra dans le café.

C’était Bill Sharper…

— Ça y est, dit-il… les voilà !… Manzana me suit, il les amène !…

Je flageolais sur mes jambes… une sueur froide coulait le long de mes tempes… Bill Sharper me dévisageait, mais je voyais bien qu’il ne me reconnaissait pas…

Il lança un coup d’œil au patron qui répondit :

— C’est un matelot du Humbug… Il venait voir si les cailles étaient arrivées…

Bill Sharper me regardait toujours.

— C’est curieux, dit-il enfin, il me semble que je vous ai vu quelque part.

— C’est possible, répondis-je en prenant l’accent gallois… mais moi, je ne me rappelle pas votre physionomie…

— « Dites donc ma gueule », allez ! À quoi bon faire des façons entre nous… Allons, patron, deux verres de gin… et du bon !

Afin de dérouter Bill Sharper qui s’obstinait à me dévisager, je tenais l’œil droit à moitié fermé et m’efforçais de prendre un air ahuri.

Nous trinquâmes, Bill Sharper avala sa consommation d’un trait et je crus devoir, par politesse, offrir une autre tournée…