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retiré des affaires

rentrer, une si brutale décision. Sans doute était-elle allée à ma rencontre… et je la verrais bientôt reparaître… Peut-être aussi, comme elle était très peureuse, s’était-elle réfugiée chez une voisine qui habitait sur le même palier et nous rendait, de temps à autre, quelques menus services.

J’errais dans la chambre, comme une âme en peine, inquiet et furieux tout à la fois, quand un billet placé sur la table de nuit frappa mes regards. Je m’approchai vivement, m’emparai de ce papier et ne pus retenir un cri de rage.

Édith était partie… elle avait, c’est le cas de le dire, filé à l’anglaise !

« Mon cher Edgar, m’expliquait-elle, l’air de Paris ne me vaut rien et je sens bien que je ne m’habituerai jamais à la vie française… Excusez-moi de vous quitter si brusquement, mais je ne pouvais plus y tenir… J’ai ce que nous appelons là-bas le homesickness[1] et j’ai besoin de me retremper un peu dans l’atmosphère du Strand et de Piccadilly. J’ose espérer que vous vous consolerez vite, et que vous m’excuserez aussi de vous avoir « emprunté » quelque argent pour couvrir mes frais de voyage et me permettre de vivre tranquille, en attendant que je trouve une situation. J’ai pris les deux mille francs qui étaient dans le secrétaire et je vous les renverrai peut-être un jour. Dans le cas où vous déménageriez, prévenez-moi poste restante, bureau de Charing Cross. Je ne vous dis pas adieu, Edgar, car j’espère bien vous revoir. Je vous aime encore, croyez-le, mais décidément, je m’ennuyais trop à Paris… »

Bien que je sois, depuis longtemps, cuirassé contre les coups du sort, j’avoue que celui-là me sembla plutôt dur et que, dans ma rage, je prodiguai à Édith tous les noms que le slang de Whitechapel réserve d’ordinaire aux affreuses créatures d’Aldgate ou de Drury-Lane… Il y avait sur la cheminée un portrait de ma maîtresse, je le

  1. Mal du pays