Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
mémoires d’un cambrioleur

passe dehors… et, quand vous m’avez rencontrée, j’étais entrée au music-hall pour me reposer un peu, car je ne tenais plus sur mes jambes… Je savais que là on ne me chasserait pas, puisque les rôdeuses des quais sont admises gratuitement dans ces affreux endroits, pour servir d’amusement aux matelots… Vous le voyez, Edgar, j’ai bien souffert… Condamnez-moi si vous voulez, mais c’est la fatalité qui m’a conduite là !…

Pour toute réponse, j’attirai Édith contre moi et déposai sur son front pâle un baiser de pardon…

C’était moi, en réalité, qui avais fait le malheur de cette femme… c’était moi qui l’avais poussée au bord de l’abîme… Manzana avait fait le reste !

Il y eut entre Édith et moi un long silence ; elle avait appuyé sa tête sur mon épaule et sanglotait doucement.

J’évitais de prononcer un mot, craignant de raviver sa douleur. Enfin, quand elle parut plus calme, je lui dis :

— Et maintenant, Édith, qu’allez-vous faire ?

Elle me regarda avec étonnement, puis comme je demeurais silencieux, elle se remit à pleurer….

J’avais lu dans ses yeux la question qu’elle n’osait me poser, et je souffrais autant qu’elle…

— Ne vous ai-je pas dit, fis-je doucement, que je quittais l’Angleterre… Je m’embarque demain pour l’Amérique du Sud.

La secousse avait été trop violente, je le vis bien au geste de désespoir d’Édith, et je repris aussitôt :

— Mais, soyez tranquille… je ne vous abandonnerai pas. Écoutez-moi, je vous en prie, et vous allez voir que je ne veux que votre bien… Je suis, pour des motifs que vous comprendrez plus tard, forcé de m’expatrier… Vous, de votre côté, vous ne pouvez demeurer à Londres… Il n’y a qu’un endroit où vous puissiez être en sûreté… et cet endroit, c’est Paris, car Manzana a de sérieuses raisons pour ne pas retourner dans cette ville… Or, vous allez, dès demain, partir pour la France… et