Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
retiré des affaires

— J’étais folle… je ne savais plus ce que je faisais, et la crainte d’être arrêtée m’eût fait commettre les pires folies… Chez lui, je trouvai l’autre… Manzana, celui qui prétend que vous l’avez volé… Ils me parlaient toujours de mon arrestation prochaine et semblaient s’efforcer de me soustraire à la justice… Bref, je suis devenue leur chose… ils ont fait de moi ce qu’ils ont voulu… Après m’avoir terrorisée, ils m’ont compromise en m’emmenant avec eux dans leurs expéditions et, finalement, je suis restée seule avec Manzana. Vous dire ce que ce misérable m’a persécutée, non, c’est à n’y pas croire… Il me battait, oui. Edgar, ce misérable a osé me battre… Il me faisait horreur… mais je n’osais le quitter, car il m’avait menacée de me tuer si je tentais de fuir… Il me surveillait continuellement et… même quand je descendais dans la rue pour exercer l’infâme métier auquel il m’avait contrainte, je le voyais toujours derrière moi, avec ses yeux brillants qui me donnaient le frisson…

— Ainsi, malheureuse, depuis le jour où j’ai été arrêté…

— Oh ! Edgar ! Edgar ! je vous en supplie, pardonnez-moi… je vous l’ai dit, j’étais folle. Cet homme m’avait terrorisée, compromise, et une fois dans l’engrenage…

— Et vous êtes toujours avec lui ?

— Non… Edgar… non, j’ai enfin eu le courage de le quitter… J’étais malade, ceci se passait avant-hier… il m’a quand même obligée à me lever pour aller faire dans le Strand ma triste promenade quotidienne… Alors, profitant d’un moment où il était entré dans un débit de tabac… je me suis enfuie… Je me suis mise à courir droit devant moi. Arrivée sur les quais, j’ai eu un moment l’idée de me jeter dans la Tamise et si je ne l’ai pas fait, c’est parce qu’un policeman qui m’avait aperçue m’a forcée à m’en aller… Depuis, j’ai erré comme une âme en peine, m’écartant le plus possible du quartier où se trouve Manzana… Voilà deux nuits que je