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mémoires d’un cambrioleur

Elle leva vers moi ses grands yeux bleus embués de larmes :

— Vous en vouloir, Edgar… et pourquoi ?

— Mais… à cause de… l’affaire…

— Oh ! non… je ne vous en veux pas… vous avez pu avoir des torts… mais vous avez toujours été bon pour moi… tandis que…

Elle n’acheva pas.

— Que voulez-vous dire ?… voyons… parlez…

— Je vous assure, Edgar, que je n’en ai pas la force…

— Vous êtes malade ?…

— Non… j’ai faim…

Cela avait été dit d’une voix si basse que c’est à peine si je pus entendre ce navrant aveu…

— Que dites-vous, Édith… que dites-vous ?… Vous avez faim ?…

— Oui…

Et elle ajouta, honteuse, en détournant la tête :

— Voilà deux jours que je n’ai pas mangé…

— Cependant, vous êtes venue au concert… vous avez dû payer votre place ?

— Ici… les femmes comme moi… ne payent pas.

J’étais ému plus que je ne saurais le dire et je sentais mes yeux se mouiller.

Je pris Édith par le bras et l’entraînai hors de la salle, au moment même où miss Nightingale commençait ses roulades.

Il y avait, en face du music-hall, un petit restaurant brillamment éclairé.

Je voulus y faire entrer Édith, mais elle me saisit vivement le bras, en disant :

— Oh non… non ! pas ici !

Et elle me guida vers une rue sombre, m’entraîna dans une autre et enfin, s’arrêtant devant une petite boutique peinte en rouge :

— Là ! si vous voulez, dit-elle.