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retiré des affaires

Soudain je tressaillis. Je venais d’apercevoir dans une travée voisine de la mienne une femme à la toilette minable, une de ces pauvres roulures comme on en rencontre dans les rues de Whitechapel, et cette femme, je ne me trompais point… c’était Édith !

Quel contraste offrait aujourd’hui la malheureuse fille avec la belle, l’éblouissante, la brillante Édith que j’avais, trois années auparavant, retrouvée dans un des plus grands concerts de Londres…

Que lui était-il donc arrivé ?… Quel terrible événement avait ainsi précipité sa chute ?

Le sentiment qui s’empara de moi, à cet instant, fut celui de la pitié…

Sans plus me soucier de mes camarades que s’ils n’existaient pas, je me levai et allai m’asseoir à côté de mon ancienne maîtresse.

Tout d’abord, elle ne me reconnut pas et comme je m’étais approché d’elle, mon épaule contre la sienne, elle me repoussa d’un geste rageur en m’appelant « ivrogne ».

Alors, je la regardai bien en face et d’une voix dans laquelle je m’efforçai de mettre toute la douceur possible, je l’appelai par son nom :

— Édith !

Elle eut un petit soubresaut, suivi d’un mouvement de recul, puis, me reconnaissant enfin, murmura tristement :

— Edgar !…

Et je vis qu’elle pleurait.

— Venez, lui dis-je…

Elle obéit et nous allâmes nous asseoir dans le pourtour à un endroit qui était à peu près désert…

Dans la salle, le boucan était à son comble et le régisseur avait dû paraître sur la scène, pour annoncer que si le bruit continuait on allait suspendre la représentation…

— Édith !… fis-je, en prenant les mains de la jeune femme… vous ne m’en voulez pas ?