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mémoires d’un cambrioleur

tombé dans une de ces maisons louches comme il y en a tant à Whitechapel, et si j’étais relativement tranquille au sujet de ma personne, je l’étais beaucoup moins pour ma bourse.

Tout en mangeant, avec des minauderies de petite maîtresse, Mme Cora me posait une foule de questions qui ne laissaient pas que de m’embarrasser un peu. Quand serré de trop près, je ne savais que répondre, je passais mon doigt sur la tête de Bobby, lequel s’était pris pour moi d’une subite affection. Il me regardait continuellement de son gros œil rond, en se tortillant maladroitement sur son perchoir et se rapprochait de plus en plus. Au dessert, il grimpa sur mon épaule et se mit à tirer les cheveux de ma perruque, tout en laissant tomber sur ma jaquette les shillings qu’il posait d’ordinaire sur le tapis.

La grosse dame était dans le ravissement.

— Croyez-vous qu’il est mignon, disait-elle… Regardez donc comme il est drôle… il veut jouer avec vous… c’est la première fois que je le vois si familier avec un étranger… Sans doute que vous lui plaisez… les bêtes ont parfois un flair étonnant… Bobby a compris que vous étiez un brave homme, et il est tout de suite devenu votre ami. Ah ! ce n’est pas à M. Bill Sharper qu’il ferait une fête pareille ! Je ne sais pourquoi, il ne peut pas le souffrir… et pourtant, ce n’est pas un mauvais garçon !…

Bill Sharper !

Ce nom me fit courir par tout le corps un long frisson, et Mme Cora dut s’apercevoir de mon trouble, car elle demanda :

— Vous êtes indisposé ?

— Non… non… répondis-je vivement, c’est Bobby qui vient de me tirer les cheveux…

La grosse dame partit d’un bruyant éclat de rire.

— Ah ! le gredin !… fit-elle en pouffant… ah ! le petit espiègle… Il veut sans doute s’assurer que vos cheveux tiennent bien… Alors, c’est vrai ?… il vous a fait