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mémoires d’un cambrioleur

Dans une petite rue de Limehouse, un des bas quartiers de Londres, un écriteau attira mes regards :

Bedroom to let.

J’hésitai un instant, puis me décidai à entrer. La maison avait plutôt mauvaise apparence.

C’était une affreuse bâtisse aux murs fendillés sur la façade de laquelle on avait récemment passé une couche de badigeon rouge qui s’effritait déjà par endroits.

Je suivis un étroit couloir et arrivai dans une petite cour vitrée où j’aperçus une servante qui lavait du linge.

— C’est ici, demandai-je, qu’il y a une chambre à louer ?

La maid me regarda un instant avec de gros yeux ronds, essuya ses mains à son tablier et répondit, avec un affreux accent gallois :

— Attendez, j’vas chercher Mme Cora.

— J’attendis près du baquet de la laveuse, les pieds dans l’eau.

Soudain, un joyeux éclat de rire retentit près de moi. Je me retournai vivement mais je n’aperçus personne… Presque aussitôt une horrible voix canaille qui rappelait celle des beggars de Whitechapel entonna une chanson de matelots ordurière et stupide.

J’allais fuir, quand une grosse dame parut.

C’était Mme Cora. Elle avait une perruque rousse ; sa bouche était d’un rouge exagéré et ses yeux que surmontaient des sourcils d’un noir de jais décrivaient deux courbes tellement régulières qu’on les devinait tracées avec un pinceau. Quant à son teint, il avait cet incarnat factice que donne à la peau le « crayon Primrose » et son visage luisait comme un phare. Elle était vêtue d’un peignoir de soie bleue sous lequel ballottait une poitrine molle, maintenue par un large ruban de faille.

En m’apercevant, elle inclina légèrement la tête, esquissa un sourire et demanda, d’une petite voix d’enfant :