Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
mémoires d’un cambrioleur

Ce qu’il m’eût fallu, c’était une cure d’air mais peut-être deviendrait-elle inutile si mon incarcération se prolongeait.

Un matin que j’étais exempt de Tread-Mill, la cloche de notre chapelle se mit à sonner tristement, à petits coups étouffés, comme honteuse d’avoir encore à annoncer la mort d’un détenu…

C’est effrayant ce qu’il mourait de monde à Reading, depuis quelques semaines !

En entendant ce glas, je me mis à pleurer.

Pourquoi ? Je n’aurais pu le dire. Ce n’était pas la première fois que j’entendais tinter la « gloomy » (c’est ainsi que l’on appelait la cloche du temple) et jamais je ne m’étais senti ému comme ce jour-là.

Était-ce pressentiment, crainte ou pitié ? Je n’aurais pu le dire. Ce qu’il y a de certain, c’est que j’étais troublé au delà de toute expression et que je souffrais le martyre. Quand le geôlier vint m’apporter ma pitance, je ne pus résister au désir de l’interroger. C’était un brave garçon qui ne dédaignait pas, à certains moments, de tailler une bavette avec moi. Il avait fait la guerre en Afghanistan et aimait à raconter ses exploits, comme la plupart des militaires qui ont vu le feu de près ou même de loin.

— Savez-vous qui est mort ce matin, lui demandai-je. Oui, dit-il à voix basse (car Œil-de-Crabe rôdait dans les environs), c’est le numéro 34…

— Le 34 ?…

— Oui, celui qui était votre voisin de cellule, il y a quelques jours encore… Il paraît qu’il a eu une mort affreuse… Il était devenu comme fou et on a été obligé de lui mettre la camisole de force… Ah ! certes, le pauvre diable est plus heureux « comme ça »… Au moins, il ne souffre plus…

Et le geôlier qui avait encore conservé la faculté de s’émouvoir, sortit en disant :

— Il avait pourtant l’air d’un bon garçon !… c’était