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mémoires d’un cambrioleur

est une maladie très commune à Reading. Elle est, paraît-il, provoquée par l’anémie des prisons, et le tremblement qui l’accompagne est dû au travail épuisant du Tread-Mill. Lorsque l’on a « tourné le moulin » on conserve, toute sa vie, dans les jambes, un petit sautillement auquel les gens de police ne se trompent jamais.

Pour ma part, j’ai eu la chance d’échapper à cette dégradante infirmité, parce que j’étais jeune et vigoureux, mais combien de pauvres détenus en sont restés affligés !

— Mon ami, me dit le bon docteur Murderer, tous les médicaments que je pourrais vous donner ne vous procureraient aucun soulagement… il n’y a qu’un remède… la liberté… Néanmoins, comme le règlement m’autorise à vous exempter de Tread-Mill, un jour sur deux, je vais donner des ordres en conséquence…

Et il me quitta en hochant tristement la tête.

La liberté !… oui, je le savais aussi bien que lui ! Il n’y avait qu’elle qui pût me guérir, mais arriverait-elle assez vite ?

Le lendemain, je n’allai pas au « moulin » et je profitai de ce jour de repos pour demeurer étendu sur mon lit. J’aurais bien voulu dormir, mais depuis longtemps, le sommeil me fuyait.

Je m’assoupissais pendant quelques minutes, puis me réveillais en sursaut, trempé de sueur, en proie à une soif ardente que je ne parvenais pas à apaiser, bien que je vidasse régulièrement ma cruche, chaque jour. Ce qui m’était surtout désagréable, c’était d’entendre le maudit carillon de Reading, qui, toutes les heures, répétait les premières mesures d’un hymne intitulé Nearer to Thee, my God[1] et qui me rappelait ce que l’homme cherche toujours à oublier, c’est-à-dire « le grand saut dans l’éternité ».

Je trouve vraiment que les philanthropes qui ont présidé à l’installation de la geôle modèle de Reading auraient

  1. Plus près de toi, mon Dieu !