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mémoires d’un cambrioleur

dénoncerait pas à la police française… La prescription ne m’était pas encore acquise et l’on m’arrêterait sûrement.

Il est vrai qu’il faudrait prouver que c’était moi le voleur du Régent… Or, qui m’accuserait ? Manzana ?… Testis unus, testis nullus

Toutes ces noires réflexions finirent par influer sur mon moral et me rendirent de nouveau taciturne et maussade. Je ne retrouvais un peu de tranquillité que lorsque je songeais à cette fameuse fête du New Year’s Day, dont m’avait parlé le pasteur.

Si, à cette occasion, j’avais la chance de bénéficier d’une réduction de peine, j’étais sauvé, car Manzana, qui me croyait condamné pour cinq ans, me « manquerait » à la sortie.

Au moment où j’aurais eu besoin de toute ma tranquillité d’esprit, voilà que justement j’étais tracassé, tourmenté par mon ami Crafty, qui me demandait à chaque instant, à travers la muraille :

— À quand notre évasion ?… Vous en occupez-vous ?… Je ne puis plus résister au Tread-Mill… Si nous ne quittons pas cette maudite prison je serai mort avant un mois.

J’essayai de le rassurer, et j’y réussis, pendant quelques jours, mais le pauvre garçon devenait de plus en plus pressant.

— Hâtez-vous, disait-il… Je suis décidé à tout…

Certes, moi aussi, j’étais décidé à tout… mais pas pour l’instant. Le pasteur, dont je recevais la visite trois fois par semaine, s’occupait toujours de moi et se faisait fort d’obtenir ma grâce, en raison de ma bonne conduite et de mon sincère repentir.

Devais-je, par une tentative d’évasion qui avorterait sans doute, compromettre une affaire qui s’annonçait si bien ? Devais-je, pour tenir parole à Crafty, m’exposer à voir ma peine doublée, et laisser mes os à Reading ?

Cependant, le pauvre Crafty s’impatientait.

— Voyons… pour quand ? demandait-il… Je vous assure que je n’en puis plus… Mes forces sont à bout !