Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
mémoires d’un cambrioleur

— Peste ! trente-trois, vous avez l’air joliment heureux aujourd’hui, est-ce que votre libération serait proche ?

— Hélas ! non, répondis-je… j’ai encore, je crois, plus d’un millier de jours à tirer… mais j’ai reconnu qu’il était stupide de se faire du mauvais sang…

— Bien sûr… bien sûr… murmura le gardien, en jetant autour de lui un coup d’œil méfiant… Il y a des détenus ici qui se minent et ils ont bien tort… aussi, ils tombent malades et finissent par se laisser « glisser »… Encore deux, ce matin, qui sont allés dormir sous la pelouse de Green-Park… C’est effrayant ce que ça se dégarnit ici… Bientôt, il n’y aura plus assez de monde pour faire marcher le Tread-Mill.

Et le gardien sortit en chantonnant.

C’était la première fois que cet homme m’adressait la parole, et j’en conclus que s’il ne me parlait jamais, c’était à cause de mon air maussade et triste.

On n’aime guère les « faces ténébreuses », et souvent, au lieu d’attirer la pitié, elles n’inspirent à certaines gens que du dédain et parfois de la haine.

Depuis que j’étais en possession de mon diamant, je vivais une vie nouvelle faite de résignation et d’espoir… d’espoir surtout !

Les beaux projets que j’avais naguère abandonnés, je les reprenais l’un après l’autre et je me remettais à penser à Édith… Oui, à mesure que mon sang recommençait à bouillonner, je songeais à l’amour que je croyais avoir enterré définitivement, le jour où j’avais franchi le seuil de la geôle de Reading.

Édith, à présent, occupait avec le diamant toutes mes pensées, et je ne désespérais pas de la reconquérir.

Maintenant, je pourrais tout lui dire, lui révéler mes fautes passées.

D’abord, elle me repousserait, cela était à peu près certain ; cependant, quand je ferais miroiter à ses yeux (non pas mon diamant, car les femmes sont trop bavardes),