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mémoires d’un cambrioleur

Enfin, il retentit et nos boxes s’ouvrirent.

Au lieu de m’installer sur la sellette de fer, comme je le faisais chaque jour, je me glissai entre la muraille et la roue et parvins, en m’aplatissant, comme un chat qui passe sous une porte, à atteindre l’endroit où Crafty avait caché mes bottines. Je les saisis d’une main prompte, et les glissai entre ma chemise et ma peau, puis je m’apprêtai à regagner ma place, mais à ce moment, le surveillant lançait son terrible : Take care, forwards !

La roue allait se mettre en mouvement !

J’eus l’idée de crier, d’appeler à l’aide, mais je compris que tout était inutile. Déjà l’énorme treuil démarrait en grinçant, actionné par les pieds des détenus.

Aujourd’hui encore, quand je songe à cette minute terrible, affolante, je me demande comment j’arrivai, sans me faire broyer, à atteindre l’extrémité inférieure de ma sellette, à m’y hisser et à reprendre avec les autres condamnés « la cadence du Moulin ». Cela est pour moi une énigme. Tout ce que je me rappelle, c’est que, quand le supplice eut pris fin, j’avais les mains et les genoux en sang.

Mais, à ce moment, j’étais insensible à tout… j’eusse été écorché vif que je ne m’en serais même pas aperçu… Je n’avais qu’un désir : retrouver mon diamant, le prendre dans ma main, le contempler longuement à la lumière diffuse qui passait par mon vasistas.

Cette minute arriva enfin et j’oubliai toutes mes souffrances, toutes mes angoisses…

Les ouvriers de la cordonnerie n’avaient pas touché à mes chaussures… elles étaient intactes et je retrouvai la petite rondelle de cuir vissée sous le talon droit telle que je l’avais laissée… Cependant, elle tenait bien, et, pour l’arracher, il m’eût fallu un outil.

Je la rongeai avec mes dents et parvins à extraire le diamant de sa gangue…

Dieu ! qu’il me parut beau !… Comme il brillait !… quels feux il jetait. On eût dit un soleil ! Je le baisai