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mémoires d’un cambrioleur

Tread-Mill, je n’avais plus figure humaine. En dehors des heures de travail, j’étais toujours étendu sur mon lit…

À force de vivre dans l’isolement et d’arrêter mon attention sur les moindres bruits, mon oreille était devenue d’une finesse extraordinaire, et cela au point que je ne pouvais presque plus dormir, car le plus léger frôlement me réveillait.

Un soir, après une journée terriblement fatigante, je commençais à fermer les yeux, quand un petit coup sec, suivi immédiatement de trois autres, puis de trois autres encore, attira mon attention. Cela était assez rapide, mais toujours très régulier, rythmé selon une certaine cadence.

— Toc… toc, toc, toc !…

Celui qui frappait devait se servir de ses doigts et le bruit était tout proche, il semblait venir de la cellule qui se trouvait à ma droite…

J’avais souvent entendu dire que, parfois, les détenus, dans les maisons centrales, s’entretiennent entre eux au moyen d’un « abécé » appelé Correspondence Knock.

À tout hasard, je me mis à compter les coups en les faisant correspondre dans mon esprit aux lettres de l’alphabet. Tout d’abord, je n’obtins que des phrases confuses qui n’avaient aucun sens, mais comme les frappements continuaient, je parvins à en assembler quelques-unes parmi lesquelles je distinguai très nettement les mots suivants : « Ami… ami… écoutez… vous aussi… répondez ».

Je me levai, m’approchai de la muraille, et, avec mon index replié, tapai plusieurs coups qui voulaient dire : « Qui êtes-vous ? »

On répondit aussitôt, et je déchiffrai un nom : « Crafty ? »…

Eh quoi ! c’était mon compagnon d’infirmerie qui voulait causer avec moi !… Qu’avait-il à me dire ?

Au moment où il allait frapper de nouveau, un gardien qui faisait sa ronde passa dans le couloir… Peut-être avait-il entendu quelque chose, car il demeura assez longtemps immobile, devant ma cellule.