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mémoires d’un cambrioleur

La guigne me poursuivait et je ne supposais pas qu’elle dût m’abandonner, tant que je serais à Reading.

Je crois à l’influence des milieux, et suis persuadé qu’ils exercent sur notre individu une sorte « d’envoûtement » que peuvent seuls combattre les voyages et l’éloignement, car plus on reste dans un endroit où l’on n’a eu que du malheur, plus on attire autour de soi ce que j’appellerai les mauvais « fluides ».

Je sortis de l’infirmerie un lundi matin, et, quand je traversai l’étroite cour pavée qui conduisait au bâtiment où se trouvait ma cellule, je fus singulièrement impressionné par un spectacle auquel j’étais loin de m’attendre. Un détenu, encadré de deux hommes en noir, s’avançait d’un pas chancelant. Derrière lui venaient le pasteur, le directeur en redingote sombre, deux surveillants et un individu à mine sinistre qui tenait à la main une petite valise verte.

En m’apercevant, le détenu me fit un signe de tête et s’écria d’une voix vibrante :

— Adieu ! camarade !… adieu ! Priez pour moi !

Je sentis un frisson m’envahir.

— Où donc conduit-on cet homme ? demandai-je au gardien qui m’accompagnait.

— À la chambre de justice, dit-il en se découvrant.

Je me découvris aussi et demeurai cloué sur place, mon bonnet à la main.

Au fond de la cour, une petite porte s’ouvrit en grinçant et une cloche se mit à tinter.

M. John Ellis, le bourreau de Londres, venait de prendre livraison du condamné…