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retiré des affaires

Je ne connais pas ces trois gentlemen, mais je ne serais pas étonné qu’ils eussent fait installer chez eux un Tread-Mill à côté d’une pelouse de tennis, pour développer leurs muscles, ainsi que ceux de leurs enfants et de leurs épouses.

Et même, je ne désespère pas de voir un jour ces grands philanthropes préconiser, par raison d’hygiène, le Tread-Mill à domicile.

Ma fluxion de poitrine me fut très « salutaire », car elle me permit de me reposer un bon mois dans un lit beaucoup plus moelleux que celui de ma cellule. Je lus beaucoup, pendant ce mois-là, et mon cerveau qui était presque vide recommença à se meubler un peu. L’aumônier qui s’était décidé à revenir me voir me trouva dans de meilleures dispositions d’esprit, et attribua ce brusque changement à la lecture des livres saints.

À dater de ce jour, il multiplia ses visites et fut tellement touché de mon attitude pieuse et recueillie qu’il me prit sous sa protection et promit de faire abréger ma peine.

— Combien avez-vous encore de temps à faire ? me demanda-t-il un jour.

— Je l’ignore, répondis-je.

— Est-ce possible ?

— Hélas ! c’est la vérité…

Cette étonnante amnésie parut le troubler.

— C’est bien, dit-il, je m’informerai.

Le lendemain, il m’apprenait que j’avais déjà tiré quatre cents jours et qu’il m’en restait encore quatorze cent vingt-cinq à faire…

Et il ajouta :

— L’année prochaine, à l’occasion des fêtes du « New-Year’s Day », Sa Majesté le Roi graciera quelques condamnés… je tâcherai d’attirer sur vous sa Très Haute bienveillance…

Je remerciai comme il convenait le digne révérend, bien que je n’eusse qu’une médiocre confiance en sa promesse.