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mémoires d’un cambrioleur

Il me regarda sévèrement, cligna de l’œil encore une fois et s’en alla furieux, en disant :

— Numéro 33…, vous êtes un cynique personnage et… vous finirez mal… je vous le prédis…

Good bye ! lui criai-je, en continuant de rire aux éclats…

Je ne devais certainement pas jouir de toute ma raison, car autrement, j’eusse reçu avec plus de courtoisie ce pauvre homme qui remplissait, somme toute, une pénible mission…

Le soir, je me vis réduit au quart de portion, et cette privation de nourriture dura huit jours.

Le directeur s’était vengé.

N’eût-il pas été plus sage de me faire examiner par un médecin ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je devenais sale et n’avais même plus le courage de me débarbouiller, ce qui est un signe certain de déchéance physique… J’encourus deux ou trois punitions pour ma mauvaise tenue et un jour c’était en hiver deux gardiens m’entraînèrent dans la cour, à demi nu, et me frictionnèrent pendant un quart d’heure avec une brosse de chiendent, ce qui amusa beaucoup les autres geôliers qui formaient le cercle autour de moi…

Je contractai une fluxion de poitrine et fus, pendant plusieurs jours, entre la vie et la mort. J’aurais pu essayer de faire punir les deux brutes, mais j’étais si heureux d’être exempt de Tread-Mill, que je ne dis rien… D’ailleurs, à quoi cela eût-il servi de porter plainte ? À Reading, les détenus ont toujours tort ! Est-ce que les procédés dont on use envers les condamnés dans cette prison modèle ne sont pas tous empreints de la plus grande bienveillance et de la plus large humanité ?

Ceux qui en douteraient n’auraient, pour s’en convaincre, qu’à consulter la grande affiche apposée dans le couloir du lavabo et qui est signée et approuvée par trois des plus grands philanthropes d’Angleterre.