Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
mémoires d’un cambrioleur

Ce serait certes la première fois que l’on verrait un « détenu millionnaire » faire tourner la roue de Reading…

Oui, mais voilà !… si toute évasion était impossible, aurais-je la force de supporter quatre ans encore les tortures du « hard labour » ?

Chaque jour, j’encourageais mon codétenu, qui s’appelait Crafty, en faisant allusion à notre fuite prochaine… Je lui tenais, comme on dit, la dragée devant les lèvres et il était prêt à tout tenter pour s’emparer de mes chaussures. Malheureusement, le temps passait, je voyais arriver le moment où on me renverrait en cellule et les recherches de Crafty n’avaient encore donné aucun résultat.

Enfin, l’avant-veille du jour où l’infirmier-chef allait signer mon exeat, Crafty me dit, le soir, à son retour des ateliers :

— Je sais enfin où sont vos bottines, mais il m’est impossible de m’en emparer… car on les a enfermées à clef dans un casier à claire-voie…

— Forcez la serrure…

— Vous n’y pensez pas… D’ailleurs, c’est une serrure énorme… il faudrait un merlin pour en venir à bout…

— Alors, fis-je d’un air désappointé, vous êtes encore ici pour deux ans et moi pour quatre… Vous ne tenez donc pas à revoir votre Maisie ?

— Si j’y tiens !… pouvez-vous me demander cela… mais j’en meurs d’envie, j’en deviens fou…

— Alors, de l’audace… et de la ruse… Ah ! si je pouvais m’introduire dans les ateliers, je vous assure que j’arriverais bien à forcer cette maudite serrure…

— Non… vous n’y arriveriez pas, je vous l’affirme.

— Alors… j’essaierais d’un autre moyen.

— Je voudrais bien vous y voir…

— Où se trouvent les ateliers de cordonnerie ?

— Comment ? vous ne savez pas ? Ils sont juste au-dessous de nous…

La conversation en resta là.