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retiré des affaires

Ce jour-là, je faillis bien me faire broyer les tibias, mais la Providence veillait sans doute sur moi, car j’eus la force d’accomplir jusqu’au bout ma pénible tâche.

Je ne cherche pas à me faire plaindre, loin de là, et que le lecteur ne s’imagine point que je dose à dessein mes effets, dans le but de l’émouvoir sur ma triste personne, mais puisque j’écris mes mémoires, j’estime que je dois tout dire.

Avouez qu’il ne serait pas juste tout de même que je me donnasse continuellement le vilain rôle… Il faut bien que, de temps à autre, je parle de mes souffrances… c’est même nécessaire, je dirai plus, très moral, car, en me lisant, les jeunes gens qui auraient l’intention de mal faire seront certainement retenus sur la pente fatale, par la crainte de terribles répressions.

Au bout d’un an de Tread-Mill, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. J’étais devenu un véritable squelette, et le médecin de la prison jugea prudent de m’envoyer à l’infirmerie…

Quelle ne fut pas ma surprise en retrouvant là le jeune homme au complet neuf et aux bottines vernies dont j’avais fait, une nuit, la connaissance, sous un des comptoirs de la maison Robinson and Co.

— Eh ! quoi, lui dis-je, vous êtes ici ?

— Vous le voyez…

— Pour longtemps ?

— Deux ans.

— Seulement ?

— Vous trouvez que ce n’est pas suffisant ?… Deux ans de « hard labour » pour une paire de boucles d’oreilles, je trouve au contraire que c’est bien payé.

Et le jeune homme, profitant de ce que le gardien qui nous surveillait s’était approché de la fenêtre, me confia brièvement son aventure…

— Certes, dit-il à voix basse, depuis que je « travaille », j’ai bien mérité vingt ans de Tread-Mill, mais on ne m’a jamais inquiété pour les autres affaires »…