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mémoires d’un cambrioleur

raient joyeusement les jours de repos avec leurs familles ou leurs maîtresses…

Je me jetai sur mon lit et pleurai comme un enfant…

En adoptant la dangereuse profession de cambrioleur, je savais certes à quoi je m’exposais… Je n’ignorais pas qu’un jour ou l’autre la société me contraindrait à une villégiature forcée dans quelque geôle du Royaume-Uni, mais je ne m’étais jamais imaginé que la claustration fût une chose aussi pénible.

D’abord, je fus en proie à une sorte d’anéantissement, de stupeur, puis une rage folle s’empara de moi et je me demandai un moment si je n’allais pas me briser la tête contre la muraille.

À la nuit tombante, je retrouvai cependant un peu de calme et fis honneur au maigre repas qu’on me passa par un guichet.

Je me déshabillai dès que retentit la cloche du coucher et me glissai sous ma couverture, mais il me fut impossible de fermer l’œil.

Quand neuf heures sonnèrent à l’horloge de Reading Gaol qui possède, par parenthèse, un carillon des plus sonores, je me levai, en proie à une impatience fébrile et me mis à arpenter, pieds nus, ma cellule. Je montai ensuite sur une chaise et cherchai à jeter un coup d’œil par la fenêtre. Au prix de difficultés inouïes, je parvins à me hisser jusqu’à l’entablement et y demeurai suspendu.

Des ombres passaient et repassaient dans une grande cour à demi obscure ; c’étaient probablement des gardiens qui allaient prendre leur service de nuit.

De temps à autre j’entendais de longs appels, un grand bruit de verrous et, par-dessus tout cela, le ronflement sourd et régulier de la machine à vapeur qui distribue l’électricité dans la prison.

Enfin, vers dix heures, les couloirs et les fenêtres des cellules furent moins lumineux et un silence relatif remplaça le vacarme de tout à l’heure.