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retiré des affaires

féré l’user, mais M. John en a jugé autrement… Voici le complet… je n’ai plus qu’à coudre le matricule. Si je ne me trompe, c’est le numéro 33…

— C’est bien cela, dit le gardien.

Le petit homme, sans se presser, enfila une aiguille, chercha pendant un instant dans un tiroir, puis fixa au vêtement qui allait devenir le mien une étiquette de toile. Cela fait, il prit dans une armoire une calotte de drap qui ressemblait au polo des Horse guards et passa le paquet à travers la grille.

— Déshabillez-vous, me dit le gardien.

J’obéis, et troquai l’élégant costume que je devais à la générosité de MM. Robinson and Co contre l’affreuse houppelande des détenus, une sorte de « combinaison » de toile grise parsemée d’as de trèfle[1].

J’étais maintenant métamorphosé en clown, et je suis sûr que j’eusse obtenu un joli succès en figurant, sous cet accoutrement, dans une pantomime de l’Olympia.

Je fus ensuite conduit chez le « hair dresser » qui me rasa le visage et la tête à la tondeuse, puis, après avoir assisté à un office que marmotta exprès pour moi l’aumônier de la prison (coût : un shilling six pence), je fus « incarcerated » dans la cellule 33 qui devait, pendant cinq années, abriter feu Edgar Pipe !

Seul… j’étais seul !…

À partir du moment où j’avais franchi le seuil de ma geôle, je demeurerais séparé du monde… Le seul être que j’apercevrais et encore à travers un judas serait un gardien indifférent et maussade. Je devrais souffrir en silence, ronger mon frein dans l’isolement le plus complet, oublier jusqu’à la voix humaine… Les printemps succéderaient aux hivers, les automnes aux étés, et je serais toujours là, entre ces quatre murs, pendant qu’au dehors, sur les jolies pelouses de Reading, les bourgeois de Londres, ivres de soleil et le cœur en fête, célébre-

  1. C’est l’uniforme des prisonniers anglais.