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retiré des affaires

et à leur rappeler les anciens supplices imaginés par les bourreaux de la Tour de Londres…

Cette trappe, par les rainures de laquelle monte une affreuse odeur de catacombes, c’est la trappe du « Tread Mill », et l’on verra bientôt ce que signifient ces deux mots, qui évoquent à l’esprit du profane la reposante vision d’un spectacle champêtre !…

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Dès que j’arrivai à Reading, un gardien galonné, qui semblait m’attendre, me conduisit au « Record Office » où je trouvai un gentleman imposant, lequel consigna sur un grand registre à coins de cuivre mes nom, prénoms et qualité. Il écrivait lentement, les lèvres et l’œil gauche plissés avec effort, comme s’il eût été pris soudain d’une violente colique.

— Pipe ! Edgar Pipe !… répéta-t-il plusieurs fois…

Le gardien galonné lui remit alors l’argent que l’on avait trouvé sur moi et que la loi anglaise voulait bien considérer comme « ma propriété ». J’en allais payer les intérêts à un taux assez élevé, et il me semblait juste qu’on le portât à mon actif.

— On vous rendra cette somme à votre sortie, me dit le comptable… mais le règlement vous autorise à prélever sur ce dépôt deux shillings par semaine… sur lesquels on vous retiendra six pence pour l’entretien de la chapelle…

Mon geôlier m’emmena ensuite dans un petit vestibule aux murs blanchis à la chaux, et là, me pria poliment de lui remettre mes bottines et mes bretelles… Je lui tendis mes bretelles, sans hésiter, mais quand il s’agit de lui donner mes bottines, j’eus un petit tremblement dont on devine la cause…

Je m’exécutai cependant :

— Voici, fis-je, d’une voix émue, en lui présentant mes chaussures… ces chaussures précieuses dont l’une contenait des millions… Et, à cette minute, je sentis mes yeux se mouiller…