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mémoires d’un cambrioleur

après avoir vérifié la petite cachette où reposait le Régent. Comme une vis du talon de ma bottine s’était un peu desserrée, je la fixai avec la pointe de mon canif.

Un quart d’heure après, je dormais comme un bienheureux.

Quand je me réveillai, il faisait grand jour. Un rayon de soleil, semblable à une longue flèche d’or, se jouait sur mon lit… et ce rayon de soleil si rare à Londres, surtout en hiver, me parut d’heureux augure. Il symbolisait pour moi l’espérance et la réussite, il semblait me dire : « Ta vie jusqu’alors si triste va enfin s’éclairer pour toujours ».

Je me levai, procédai avec soin à ma toilette, puis sonnai pour me faire monter à déjeuner.

Le garçon qui répondit à mon appel avait l’air tout drôle… Il me regardait comme si j’eusse été une bête curieuse.

— Eh bien, lui dis-je… avez-vous entendu ?

Il ne répondit pas.

Quelques instants après, il revenait avec un plateau sur lequel il y avait deux tasses et des toasts.

Cette fois encore il me regarda de façon bizarre.

— Vous croyez me reconnaître, sans doute ? lui dis-je d’un ton sec.

Il s’inclina et sortit.

« C’est un fou », pensai-je… Et, sans plus me soucier de lui, je m’attablai et me versai du thé.

Tout en croquant mes rôties, je regardais ma jaquette et ma pelisse que j’avais étalées sur le dossier d’un fauteuil. J’avais eu décidément la main heureuse en choisissant ces habits. Le complet était d’une couleur discrète, agréable à l’œil. Quant à la pelisse, c’était une vraie pelisse de millionnaire. Au lieu d’être doublée en loutre d’Hudson (c’est-à-dire en rat d’Amérique), elle l’était en vraie loutre et devait valoir au moins dans les cinq à six mille francs. Il ne me manquait plus qu’un peu de linge, et j’eus un moment l’idée d’aller visiter, durant