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retiré des affaires

Afin que ma tignasse de crin ne pût tomber, je coiffai une casquette de voyage, puis, après avoir retourné mon veston qui était doublé d’une étoffe à carreaux verts et rouges, et l’avoir endossé à l’envers, je relevai mon pantalon jusqu’aux genoux, ôtai mes bottines et mis des pantoufles de feutre.

Ainsi camouflé, j’étais horrible, tellement horrible qu’en me regardant dans la glace je me fis peur… oui, là, sérieusement.

Le lecteur se demandera sans doute ce que signifiait cette mascarade…

On va voir qu’elle avait un but… un but utile.

Édith dormait toujours ; j’entendais à travers le rideau du cabinet de toilette sa respiration régulière et douce.

J’éteignis alors l’électricité, revins dans la chambre, gagnai la porte à pas de loup, et m’engageai dans l’escalier, mon étui de pipe à la main.

Arrivé sur le palier où se trouvait le salon de miss Mellis, je m’arrêtai. Par la baie vitrée, j’aperçus la logeuse. Elle était assise devant son bureau et je crus tout d’abord qu’elle lisait, mais l’ayant observée plus attentivement, je remarquai que, de temps à autre, sa tête s’inclinait brusquement, puis se relevait de même comme si elle saluait quelqu’un.

Miss Mellis dormait.

J’ouvris la porte du salon et m’avançai vers la logeuse, le bras tendu, comme prêt à faire feu sur elle… avec mon étui de pipe.

Elle se réveilla en sursaut, m’aperçut, voulut crier, mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge ; elle se dressa, battit l’air de ses mains et tomba évanouie.

Sans perdre une seconde, j’ouvris le tiroir de son bureau, y pris le sac de toile dans lequel je l’avais vue serrer son argent, quelques heures auparavant, puis d’un pas léger, je regagnai ma chambre.

Édith ne s’était pas réveillée.

Passant dans le cabinet de toilette, j’ouvris la fenêtre,