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retiré des affaires

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La nuit était maintenant complète. Je tournai le commutateur et une éblouissante clarté emplit notre chambre.

— Je crois, dis-je à Édith, qu’il serait temps de dîner…

— C’est aussi mon avis, Edgar, mais je n’oserai jamais, après ce qui s’est passé, descendre commander notre repas à miss Mellis.

— Et pourquoi cela ?… Ne l’avons-nous pas payée ce matin ? Attendez, je vais aller la trouver, moi, et vous allez voir qu’elle fera absolument ce que nous voudrons. Nous ne lui devons rien, en somme ; je ne vois pas pourquoi nous hésiterions à lui demander quelque chose.

Édith ne paraissait pas convaincue.

Quant à moi, je n’étais rien moins que rassuré, car je m’étais déjà aperçu que miss Mellis, notre logeuse, était plutôt froide avec moi. Je serais obligé de déployer tous mes talents de séduction pour l’amadouer.

Réussirais-je ?

Je trouvai miss Mellis dans son petit salon. Elle était assise devant un bureau d’acajou et serrait dans un petit sac de toile des pièces et des bank-notes.

En m’apercevant, elle glissa vivement le sac dans un tiroir et me regarda par-dessus ses lunettes.

Miss Mellis était une petite femme au teint fade, aux cheveux très blonds bien qu’elle approchât de la soixantaine. Son unique œil bleu — elle était borgne — avait la fixité inquiétante d’un œil de serpent.

— Que désirez-vous ? demanda-t-elle d’un ton sec.

— Madame, fis-je en m’inclinant de quarante-cinq degrés, je tenais à vous présenter mes excuses, bien que je ne sois pour rien dans le pénible incident que vous savez… Il a pu m’échapper, tantôt, quelques mots un peu vifs, et croyez que je le regrette sincèrement. Néanmoins, comme cela était décidé, nous quitterons demain notre logement.