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mémoires d’un cambrioleur

J’essayai de persuader à ma maîtresse que ma présence était inutile et compliquerait tout, mais elle insista pour que je vinsse déposer avec elle.

Le poste se trouvait tout près de là, dans Wardour Street. Un constable grincheux reçut la déposition d’Édith, puis la mienne, et il avoua ne rien comprendre à cette affaire… Il finit par en déduire que je vivais en concubinage avec Édith et que le mari de cette dernière, me croyant riche, avait, en compagnie de deux malandrins, essayé de me faire chanter.

Pendant qu’il inscrivait mes réponses sur un registre placé devant lui, un gentleman des plus corrects, au visage rasé, aux habits d’une coupe impeccable, était entré dans la pièce et s’était assis sur une chaise, tout près de la porte. Il avait déplié un numéro du Times et demeurait immobile, la moitié du corps cachée par le journal. Il faut croire cependant que notre affaire le captivait plus que la lecture du Times, car lorsque nous nous apprêtâmes à sortir, Édith et moi, il se leva brusquement et, après nous avoir salués avec la plus exquise politesse, me dit en souriant :

— C’est très curieux cette aventure… oui, très curieux… elle m’intéresse énormément et je vais m’en occuper… Vous avez affaire, monsieur Pipe, à de rusés gredins dont le signalement correspond exactement à celui de deux malfaiteurs de ma connaissance… Quant au troisième, il me semble jouer, dans tout cela, un rôle assez singulier… Rentrez chez vous… Je vais vous suivre et si, comme je le crois, vos ennemis rôdent toujours autour de votre maison, je saurai bien les reconnaître. En tout cas, continuez à vaquer à vos affaires comme si de rien n’était… je veille sur vous.

Et l’inconnu, après avoir prononcé ces mots, s’inclina galamment devant ma maîtresse, me serra la main et sortit du poste.

— Vous connaissez ce gentleman ? demanda Édith, une fois que nous fûmes dans la rue.