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mémoires d’un cambrioleur

— Mais parlez donc, s’écria-t-il, qu’est-ce qu’il y a ?… qu’avez-vous vu ?

L’autre regardait le supérieur de ses grands yeux hagards…, ses lèvres remuaient, mais il n’en sortait que des sons inintelligibles !…

À la fin, cependant, des mots se précisèrent :

— Il y a… il y a… balbutia-t-il.

— Quoi donc ?… bon Dieu !

— Il y a… chef… qu’on a volé…

— On a volé !… Qu’est-ce qu’on a volé ?

— Le… le… « Régent », chef…, oui… le… Régent !…

Et le gardien s’effondra sous le poids de cet aveu.

La face déjà congestionnée du chef devint pourpre… la surprise, l’émotion, la colère le suffoquaient.

Il se mit à crier à tue-tête :

— Vous êtes fou !… volé !… volé !… le Régent !… vous êtes fou !… fou, vous dis-je.

Mais tout en se rassurant de la sorte, il n’en prenait pas moins le subalterne par le bras, le poussait devant lui, et, son falot dans la main droite, se ruait vers la galerie d’Apollon.

Alors, le malheureux gardien montra la vitrine où sont exposés les Diamants de la Couronne :

— Là !… là !…, fit-il.

Il n’en dit pas davantage, mais le spectacle qui se présentait en ce moment aux yeux du supérieur en disait plus long que tous les commentaires.

Il rugit, serra les poings :

— Ah ! vingt Dieux de vingt Dieux !… les misérables !…

Un rectangle, juste assez grand pour livrer passage à une main, était nettement découpé dans la glace de la vitrine. Le morceau enlevé était posé tout à côté ; un petit amas de mastic où se voyaient encore des empreintes de doigts, occupait le milieu de ce carré de verre. Et, à la hauteur de l’ouverture béante, le fin support d’argent sur