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mémoires d’un cambrioleur

vous serais obligé de vouloir bien m’ouvrir un crédit de pareille somme…

— Dix livres, m’écriai-je… dix livres ! mais je ne les ai pas sur moi…

En ce cas, m’sieu Pipe, remontez chez vous les chercher, je vous attendrai devant la porte…

Il n’y avait pas à discuter, je le comprenais bien. Manzana avait parlé… il s’entendait peut-être avec ce Bill Sharper… On voulait me faire chanter.

Un honnête homme, lorsqu’il tombe entre les mains de pareils aigrefins, n’a qu’à demander à la police aide et protection, mais moi, pour les raisons que le lecteur connaît, je ne pouvais user de ce moyen. Je devais donc « chanter », sans me faire prier, et c’est ce que je fis.

Je remontai mon escalier, mais comme il était inutile que je misse Édith au courant de cette nouvelle aventure, je m’arrêtai au deuxième étage, tirai mon portefeuille de ma poche, y pris deux bank-notes de cinq livres et redescendis lentement trouver Bill Sharper.

— Voici, dis-je, en lui glissant les billets dans la main…

Le drôle se confondit en remerciements.

— Merci, m’sieu Pipe !… M’sieu est bien bon… on voit qu’il comprend les affaires… Je suis tout à sa disposition, car moi, je sers fidèlement ceux qui me payent… Je déteste les gens qui lésinent et se font tirer l’oreille pour sortir leur argent… Si monsieur a encore besoin de moi, qu’il n’oublie pas que je suis à son entière disposition…

J’aurais pu congédier sur-le-champ ce répugnant personnage, mais je jugeai qu’il était plus habile de le ménager et de le mettre dans mon jeu, du moins pour quelque temps.

— Écoutez, dis-je, en lui posant familièrement la main sur l’épaule. Vous êtes un garçon intelligent… Je crois que nous pourrons nous entendre… La façon dont vous avez trouvé mon adresse prouve que vous ne manquez pas de « prévoyance »… Voyons, maintenant que nous sommes