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mémoires d’un cambrioleur

Il reprit cependant un peu d’aplomb et s’efforça de railler :

— Je suis dans une tenue bien négligée, dit-il, pour me présenter devant cette dame… Nous irons la voir demain, si cela ne vous fait rien… En attendant, entrez donc avec moi dans ce grill-room… Je suis mort de faim.

J’acquiesçai à son désir.

Le drôle, évidemment, n’était pas rassuré ; j’avais donc été bien inspiré en évoquant à brûle-pourpoint le souvenir de la dame des Champs-Élysées.

Cependant, l’apparition de Manzana dans le grill-room avait soulevé un tollé général.

Deux gentlemen s’écrièrent, en s’adressant au gérant :

— Vous n’allez pas, je suppose, recevoir cet affreux « beggar »…

— Nous ne sommes pas à Whitechapel ici !

Le gérant s’approcha de mon triste compagnon :

— Sortez !… Sortez ! lui dit-il.

Manzana voulut protester, mais deux garçons l’empoignèrent et le jetèrent hors de l’établissement.

J’aurais pu profiter de cet incident pour m’esquiver, mais je reconnus que cela eût été maladroit. Il valait mieux en finir une fois pour toutes avec ce gredin.

Je l’entraînai dans un bouge des environs de Soho Square.

L’établissement dans lequel nous nous trouvions était rempli de vagabonds et de miséreux, de sorte que, maintenant, c’était moi qui me trouvais déplacé dans ce milieu. On me regardait avec méfiance et un farceur qui s’était approché me dit d’une affreuse voix canaille :

— Vous savez… si vous cherchez quelqu’un pour faire un coup, je suis à votre disposition… avec moi, jamais d’ennuis… J’opère en douceur et à des prix modérés… Quand vous aurez besoin de mes services, vous n’aurez qu’à demander Bill Sharper… tout le monde me connaît ici…

Lorsque je fus parvenu à me débarrasser de ce gêneur,