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retiré des affaires

— Calmez-vous, je vous prie, et raisonnez un peu… Grâce à moi, vous étiez embarqué sur un bateau qui nous emmenait en Angleterre… or, vous vous rappelez à quelles conditions on nous avait acceptés, vous et moi. Nous n’étions pas des passagers, mais de simples matelots… bien moins, des manœuvres, des domestiques… Vous, vous étiez affecté au service de la cale, moi, à celui du pont.

— Oui, bien entendu, vous m’aviez fait reléguer à fond de cale, afin de pouvoir vous enfuir plus facilement, au premier arrêt…

— Vous dites des stupidités, Manzana… Si j’avais eu vraiment l’intention de fuir, je me serais esquivé après notre séparation… au lieu de cela, je me suis aussitôt mis au travail… Il fallait faire comme moi, mais non, méfiant comme vous êtes, vous n’avez pas pu demeurer au poste qui vous avait été assigné, il a fallu que vous remontiez pour voir un peu ce qui se passait sur le pont… le capitaine vous a aperçu et vous a immédiatement signifié votre congé… que pouvez-vous me reprocher ?

— En quittant le bateau, je vous ai appelé, vous ne m’avez pas répondu.

— Je n’ai rien entendu, je vous l’assure, sans quoi je me fusse fait un devoir de partir avec vous… Nous étions associés, vous aviez ma parole et vous avez pu constater que, jusqu’alors, j’avais respecté mes engagements.

— Mots que tout cela !… Je sais que vous n’êtes jamais embarrassé pour trouver de bonnes raisons… Bientôt, c’est moi qui vais avoir tous les torts…

— Mais voyons, sérieusement, que me reprochez-vous ?… Est-ce moi qui vous ai lâché, oui ou non ?

— Vous étiez quand même bien content d’être séparé de moi ?

— Qu’en savez-vous ?

— Vous vous disiez : cet idiot de Manzana ne me retrouvera jamais…