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mémoires d’un cambrioleur

Je ne l’avais pas reconnu tout d’abord, sous la couche de crasse qui recouvrait son visage, mais je le reconnaissais maintenant à sa vilaine voix métallique.

J’essayai de payer d’audace :

— Monsieur, répondis-je, en prenant un accent étranger, vous vous trompez certainement… Veuillez me lâcher… ou j’appelle un policeman…

— Eh bien, appelez, dit mon terrible associé, je ne demande pas mieux… nous irons au poste et, là, je dirai qui vous êtes…

Dans l’intérieur du taxi, Édith s’affolait :

— Oh ! Edgar ! Edgar !… criait-elle appelez un agent… qu’on nous débarrasse de ce vilain homme !

— Rassurez-vous, ma chère, dis-je en m’efforçant de paraître calme… ce monsieur fait certainement erreur… je vais m’expliquer avec lui… rentrez à la maison, je vous rejoins dans un instant…

Et, à voix basse, je glissai notre adresse au chauffeur qui partit sur-le-champ.

Quand il eut disparu, je donnai à Manzana une petite tape sur l’épaule et lui dis d’un ton conciliant :

— Voyons, mon ami, à quoi bon faire du scandale… et affoler une femme… Je vous croyais plus galant, ma parole…

— Il s’agit bien de galanterie… je voudrais vous voir à ma place… Ah ! c’est ainsi que vous m’avez plaqué !

— Pardon, mon cher, s’il y en a un des deux qui a plaqué l’autre, c’est vous ce me semble…

— Oh ! n’essayez pas de jouer sur les mots… je ne suis pas un imbécile… Vous croyez donc que je n’ai pas deviné votre manège ?… Vous vous êtes tout simplement entendu avec cette canaille de capitaine pour me faire expulser du bateau…

— Vous dites des bêtises, Manzana… la fureur vous égare… Vous vous êtes conduit comme un niais.

— Soyez poli, n’est-ce pas ? Je ne suis point d’humeur à me laisser insulter par un gredin de votre espèce…