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XVII

une ombre sur le paysage

Ce soir-là, nous fîmes ce que les Français appellent la « bombe », mot qui vient de bombance, très probablement. J’emmenai Édith dîner à l’« Alexandra », Saint-George’s Place, et là, je lui payai un souper qu’un lord ne lui eût certainement pas offert : oysters, anchory, salmon, trout, filled steak, minced lamb, vegetables marrow, water cress, apple turnover, vanilla ice, le tout arrosé de champagne, de claret et de porto… La note se montait à cinq livres six pence exactement. Édith et moi nous étions très gais et nous décidâmes d’aller finir notre soirée à l’Olympia.

Je sifflai un taxi qui vint immédiatement se ranger le long du trottoir. Un mendiant dont la figure était aussi noire que celle d’un nègre se précipita pour ouvrir la portière. J’aidai galamment Édith à monter dans le cab et j’allais prendre place à côté d’elle, quand soudain, mes yeux rencontrèrent ceux du mendiant qui se tenait toujours là, semblant attendre un pourboire…

Le drôle me regardait avec un mauvais sourire.

Au moment où j’allais mettre le pied dans la voiture, il m’empoigna par le bras, me fit brusquement décrire un demi-tour et me dit, en approchant sa figure sale de la mienne :

— Non, monsieur Pipe…, non, vous ne m’échapperez pas… une fois passe, mais deux, jamais !

Manzana !… c’était Manzana !…