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mémoires d’un cambrioleur

remis donc une lettre qu’il se chargea de me faire parvenir, timbrée et datée d’Amsterdam.

Le soir même, en tête à tête avec ma maîtresse, je préparai mes batteries. Je parlai beaucoup de l’oncle Chaff (c’était le nom que j’avais donné à ce parent de fantaisie).

Il sait votre adresse, au moins ? demanda Édith.

— Oui… je lui ai écrit, il y a quelques jours…

— Vous avez bien fait… Voyez-vous qu’il meure et que personne ne vous avertisse ?

— Oh ! de toute façon, je serais prévenu !

Jusqu’alors Édith ne m’avait jamais interrogé sur ma famille, mais ce soir-là, elle me posa une foule de questions auxquelles je répondis de la meilleure grâce du monde. Je me confectionnai même une généalogie des plus huppées et m’apparentai sans vergogne aux plus grandes familles d’Angleterre.

Édith était éblouie.

— Je me suis bien doutée, dit-elle, la première fois que je vous ai vu, que vous deviez appartenir à la haute société… d’ailleurs, quand quelqu’un a de la race, cela se voit tout de suite… et vous, vous avez de la race…

Ce compliment ne me parut pas exagéré… J’ai de la race, en effet, et bien des gens se sont laissé prendre à mon grand air de distinction.

Cela prouve que bien que l’on soit issu du peuple, on peut néanmoins avoir de l’allure… Cela donne aussi un sérieux démenti aux affirmations de certains savants qui prétendent que l’aristocratie a sa marque spéciale et qu’un roturier ne peut point prétendre à cette élégance de manières, à cette distinction naturelle que possèdent seuls les gens bien nés.

Quelle erreur !

Mon père était valet de chambre et ma mère fille de taverne en Irlande.

Il est vrai que je suis un enfant de l’amour et l’on sait