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retiré des affaires

L’homme qui n’apporte que sa personne dans une association amoureuse risque fort de se voir adjoindre à bref délai des collaborateurs plus « sérieux ».

Or, comme je ne puis souffrir la collaboration en amour, je m’efforçais de trouver une raison pour conserver Édith à moi seul et la persuader que, bientôt, j’allais rouler sur l’or. Je lui confiai notamment que j’avais, à Amsterdam, un vieil oncle, riche à millions, qui m’aimait comme si j’eusse été son fils et qui me laisserait en mourant son énorme fortune.

Ces discours avaient le don d’intéresser prodigieusement Édith et je suis convaincu qu’elle souhaitait in petto la mort rapide de l’oncle de Hollande. Je m’aperçus aussi que je grandissais dans son estime et qu’elle paraissait, chaque jour, m’aimer davantage.

Quand je l’eus bien préparée, je m’arrangeai pour que l’oncle imaginaire me donnât de ses nouvelles.

Rien n’était plus facile. Il existe, à Londres, dans Augustin’s street, une agence qui s’intitule « Tsit » et qui se charge, moyennant quelques shillings, de vous expédier, à volonté, une lettre timbrée de New-York, de Singapour ou de Nouka-Hiva.

Un mari veut-il filer tranquillement le parfait amour avec une petite poule, il s’adresse à l’agence « Tsit ».

Trois semaines après, l’épouse délaissée reçoit de son volage époux une lettre des plus tendres dans laquelle il lui dit qu’il vient d’arriver en Amérique où les affaires s’annoncent bien.

Un caissier qui a dévalisé son patron veut-il dépister la police, il envoie des îles Hawaï une longue lettre dans laquelle il fait son mea culpa et où il annonce qu’il se fera un devoir de rembourser un jour la somme qu’il a été obligé de prélever dans la caisse confiée à sa garde, afin de se livrer en grand à l’élevage des moutons mérinos.

Je connaissais depuis longtemps le directeur de l’agence « Tsit » ; je puis même dire qu’il était mon ami. Je lui