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mémoires d’un cambrioleur

Je me laissai donc vivre, pendant une huitaine, puis je songeai sérieusement à mon voyage en Hollande. J’avais d’abord eu l’intention d’emmener Édith avec moi, mais je jugeai que cela serait non seulement maladroit, mais encore très imprudent. Il valait mieux que je partisse seul, mais quel prétexte invoquer pour prendre congé de ma maîtresse, sans la froisser, et aussi sans rompre définitivement avec elle ? Je tenais encore à Édith, malgré le petit tour qu’elle m’avait joué à Paris et qu’elle s’était d’ailleurs ingéniée à se faire pardonner… Certes, ce n’était plus de ma part un amour fou, mais enfin elle était bien la femme qu’il me fallait. J’avais déjà eu pas mal de maîtresses et, quand je comparais à Édith tous ces anciens « collages », je trouvais que, décidément, elle était bien supérieure, comme talents et comme esprit, à toutes les pécores qui avaient, pendant de longs jours et de plus longues nuits encore, empoisonné ma vie. Je tenais donc à conserver Édith… et j’étais prêt (ce qui est une preuve d’attachement) à lui passer bien des caprices et à excuser bien des fautes.

Je crois qu’elle m’aimait aussi, mais son amour était malheureusement subordonné à l’état de mes finances… Je ne me faisais aucune illusion sur ce chapitre et j’étais persuadé que, le jour où je ne pourrais plus l’entretenir convenablement, elle chercherait aussitôt un autre protecteur.

Les femmes ne sont des héroïnes que dans les romans, et il ne faut pas les soumettre à trop rude épreuve. L’amour dans un grenier, c’était bon en 1830. Aujourd’hui, la moindre maîtresse veut un petit salon, avec un piano et le rêve qu’elle poursuit, avec l’espoir de le réaliser un jour, c’est de trouver un bon gros capitaliste qui la couvre de bijoux et lui paye une auto. En général (et il y a heureusement des exceptions) la fidélité des femmes est en raison directe du bien-être qu’on leur procure et ceux qui s’imaginent être aimés pour eux-mêmes sont souvent des niais ou des outrecuidants.