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retiré des affaires

— Ah ! my darling, lui dis-je… Excusez-moi, mais je songe à une chose si drôle… Figurez-vous qu’hier… au moment où je traversais Fleet Street, une grosse dame a glissé sur la chaussée et est tombée d’une façon si comique que tout le monde s’est mis à rire… oui, tout le monde, même un austère Révérend qui était arrêté devant la station d’omnibus…

— Vraiment, Edgar, vous n’êtes guère généreux… ainsi, voilà ce qui vous fait rire… une femme qui tombe !

— Oh ! rassurez-vous… j’ai été le premier à la relever… et à la conduire chez un pharmacien, car elle s’était légèrement blessée en prenant un peu trop brutalement contact avec le sol…

— Vous êtes comme les paysans du Pays de Galles, mon cher, vous riez huit jours après d’un événement qui n’est pas bien comique, en somme.

Je me gardai de protester contre cette appréciation qui n’était rien moins que flatteuse… J’aimais mieux passer pour un lourdaud du Pays de Galles, que de livrer mon secret.

Le soir, quand Édith me proposa de sortir pour respirer un peu, je prétextai une terrible migraine. Elle sortit seule, ce qui lui arrivait quelquefois, et je profitai de son absence pour me livrer à un petit travail qui n’était pas des plus faciles. Je pris une de mes bottines la droite, je m’en souviens et commençai à enlever, avec la grosse lame de mon couteau, les plaques de cuir superposées qui formaient le talon. Je creusai ensuite dans la partie demeurée intacte une sorte de petite niche rectangulaire dans laquelle je logeai mon diamant, puis je replaçai par-dessus les lamelles de cuir que j’avais détachées, l’instant d’avant, et les assujettis solidement, au moyen de vis de cuivre et de petits clous à tête plate.

Maintenant, le Régent ne me quitterait plus… et personne n’aurait l’idée de venir le chercher dans mon talon.

Je recouvrais donc un peu de tranquillité… c’était tout ce que je désirais pour l’instant.