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mémoires d’un cambrioleur

déserte d’un square, que je pus enfin satisfaire ma curiosité.

Pour une fois, j’avais eu la main heureuse. Le sac contenait exactement quatre billets de cinquante livres et deux de dix… au total deux cent vingt livres… La grosse dame était une propriétaire du nom de Dorothy Coxcomb. Une petite note épinglée à l’un des billets indiquait l’usage qu’elle voulait faire de son argent… et je dois reconnaître que ce placement était absolument ridicule, car les valeurs qu’elle se proposait d’acheter sombrèrent deux mois après, lors du fameux krach de la Banque Tymson and Co. De toute façon, la grosse dame eût été refaite et il valait encore mieux que ce fût Edgar Pipe qui profitât de son argent, plutôt que des banquiers sans scrupules qui sont la honte du Royaume-Uni et dont les victimes se comptent par milliers.

Je jetai le sac dans un massif et plaçai soigneusement les bank-notes dans mon portefeuille qui n’était plus habitué à recevoir pareils locataires.

Ce que c’est que l’argent, tout de même, et quelle heureuse influence il exerce sur notre esprit ! Il n’y a qu’un instant, tout me paraissait gris et triste, maintenant, je voyais tout en rose et j’avais une envie folle de sauter, de gambader, de me jeter au cou des gens dans la rue.

Bien entendu, au lieu de continuer à marcher à l’aventure, je rentrai chez moi — ou plutôt chez Édith.

Elle s’apprêtait à sortir.

— Comment ? dit-elle, vous voilà déjà ?

— Vous voyez… j’ai eu la chance de rencontrer mon oncle dans Fleet Street et cela m’a épargné la peine d’aller à Richmond.

― Vous paraissez tout joyeux…

— Le plaisir de vous revoir, Édith…

— Vraiment ?

— Pouvez-vous en douter ?

Je ne sais si Édith crut à la sincérité de mes sentiments ;