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retiré des affaires

nait, puis je pris congé du capitaine et du maître d’équipage.

Je cessais d’être marin pour redevenir gentleman, mais quelques instants plus tard, en passant devant la glace d’une boutique, je m’aperçus que je ressemblais plutôt à un « beggar » qu’à un gentleman.

Mon linge n’était plus douteux, il était franchement sale. Quant à mes habits, ils auraient eu besoin d’un sérieux coup de fer.

Je ne pouvais songer, vêtu comme je l’étais, à me risquer dans un quartier trop fréquenté où j’eusse immédiatement attiré l’attention des promeneurs et peut-être aussi celle des gens de police. À Londres, je n’avais rien à craindre, n’ayant aucun méfait connu sur la conscience, mais il arrive fréquemment que les individus suspects sont « raflés », conduits au poste, interrogés, fouillés, puis remis ensuite en liberté, avec des excuses.

Ces sortes d’arrestations qui ne sont jamais maintenues, en Angleterre, sont, par un joyeux euphémisme, appelées « présentations ». Elles ne tirent pas à conséquence et constituent ce que l’on pourrait appeler une « mesure préventive », mais j’avais de sérieuses raisons pour ne point me laisser englober dans une de ces rafles dont l’issue eût été désastreuse pour moi. Un gentleman, de si bonne famille soit-il, n’a point pour habitude de se promener avec un diamant de cent trente-six carats dans sa poche…

Refrénant, pour l’instant, les idées de luxe et de confort qui ont toujours exercé sur moi une irrésistible attraction, je choisis, dans un quartier de troisième ordre, un hôtel assez misérable qui portait pour enseigne : « Au Poisson Bleu ». Il était situé dans Caledonian Road et fréquenté (je le constatai bientôt) par des gens assez louches aux professions multiples et à la mine plutôt inquiétante. Je ne fis, bien entendu, que poser le pied dans cet hôtel : juste le temps de passer une chemise neuve achetée dans un magasin des environs, de me donner un