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mémoires d’un cambrioleur

Bien que je m’efforçasse de me rassurer complètement, une crainte finit cependant par me hanter et par s’incruster dans ma cervelle avec l’obstination d’une idée fixe.

Si Manzana s’était fait prendre !…

Qui sait si un agent de police ne l’avait point arrêté ! Si cela s’était produit, j’étais sûr de mon affaire. Le gredin me dénoncerait et peut-être serais-je « cueilli » en débarquant sur le sol anglais.

J’avais remarqué que le Good Star avait un poste de T. S. F., et que l’on avait reçu plusieurs radios depuis notre départ. Je ne serais vraiment tranquille que lorsque j’aurais franchi la passerelle du cargo et j’aspirais à cet heureux moment, avec une émotion que l’on comprendra.

Il arriva enfin !

Le Good Star s’amarra à quai, dans le bassin Sainte-Catherine, en amont de Tower-Bridge, et l’on procéda immédiatement au débarquement des marchandises.

Nul agent ne m’attendait au ponton d’accostage… Manzana, en admettant qu’il eût prévenu la police, s’y était pris trop tard… J’étais maintenant dans mon pays, libre de mes mouvements, libre de mes actes et avec de l’argent en poche… Rien ne m’empêchait plus de passer en Hollande pour y vendre mon diamant.

L’incident Manzana ne m’avait, en somme, retardé que de quelques jours.

Ah ! quelle riche idée j’avais eue de conserver le Régent sur moi après la petite expédition de l’hôtel d’Albion !

Je procédai au déchargement du Good Star avec un courage et un entrain extraordinaires… Jamais je n’avais eu tant de cœur au travail. Il me semblait qu’une vie nouvelle s’ouvrait devant moi. Tout en « coltinant » les caisses et les balles qu’un treuil à vapeur extrayait des flancs du cargo, je chantais éperdument et Cowardly dut, à deux reprises, me prier de mettre une sourdine à mon « gueuloir » > pour employer sa propre expression.

Le débarquement terminé, je touchai ce qui me reve-