Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
retiré des affaires

— Mais puisque je vous ai déjà dit que nous ne prendrions pas le train… Combien faut-il vous le répéter de fois ?…

Manzana ne répliqua point, craignant sans doute de s’attirer quelqu’une de ces algarades que je ne lui ménageais guère depuis la veille.

Il hocha lentement la tête, d’un air résigné, puis répondit simplement :

— Je remets mon sort entre vos mains.

Un autre se fût peut-être laissé prendre aux airs doucereux de Manzana, mais moi qui connaissais le drôle, je ne croyais plus un mot de ce qu’il disait. La soumission qu’il montrait n’était point sincère et je le sentais toujours aussi hostile. Je lisais au fond de sa pensée comme dans un livre et il devait bien s’en apercevoir, car chaque fois que je le regardais fixement, il paraissait gêné. Son plan, je ne le devinais que trop !… Il espérait me supprimer purement et simplement et rester seul propriétaire du diamant, mais il avait affaire à forte partie et, d’ailleurs, j’étais bien décidé à ne plus lui confier le Régent.

Jusqu’alors j’avais échafaudé une foule de projets, tous plus insensés les uns que les autres, et, comme cela arrive généralement, au moment où je désespérais de tout, une inspiration m’était venue : J’avais trouvé le moyen de quitter Rouen, sans bourse délier… bien plus j’espérais, en cours de route, gagner quelque argent.

L’idée n’avait rien de génial, mais elle ne fût certainement pas venue à l’esprit de Manzana.

Après avoir réglé la note d’hôtel, je sortis avec mon associé. Il faisait un temps épouvantable. La pluie tombait à flots et il n’y avait pas un chat dans les rues.

Nous nous mîmes un instant à l’abri sous un porche, mais comme l’averse continuait, nous relevâmes le col de notre pardessus et nous nous remîmes en route, courbés en deux, ruisselants d’eau, à demi aveuglés.

Nous atteignîmes enfin les quais et là, nous pûmes