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XIII

où manzana devient inquiet

Quelques instants après, nous nous recouchions et, pour la première fois depuis notre rencontre, nous dormîmes comme deux braves bourgeois qui n’ont rien à se reprocher.

Lorsque nous nous éveillâmes, il faisait grand jour. Après m’être tâté pour m’assurer que le diamant était toujours dans le gousset de ma chemise de flanelle, je commandai deux cafés au lait avec des petits pains. Dès que le gnome hydrocéphale qui remplissait à l’hôtel l’office de valet de chambre eut installé devant nous deux tasses ébréchées, nous nous assîmes et, tout en croquant des rôties de pain beurré, nous élaborâmes un plan de campagne.

Je dois dire toutefois que ce plan, ce fut moi qui le dressai, car Manzana qui semblait avoir maintenant pour moi une admiration sans bornes, approuvait tout ce que je proposais. Il comprenait qu’à présent j’étais l’âme de cette association qui avait si mal débuté, et menaçait peut-être de finir plus mal encore.

— Mon cher ami, dis-je enfin, si vous le voulez bien, nous allons quitter le plus vite possible cette bonne et hospitalière ville de Rouen, mais vous devez supposer que nous n’allons pas être assez naïfs pour prendre le train du Havre qui passe ici, matin et soir… Ce serait le plus sûr moyen de se faire pincer, car la police, à la suite du drame de l’hôtel d’Albion, a dû établir une surveillance dans les gares. Nous allons tout simplement, gagner une petite station que nous n’aurons pas de peine à trouver sur l’indicateur et là, nous nous embarquerons dans un modeste train omnibus.