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mémoires d’un cambrioleur

— Bah ! fis-je… le principal est que nous y soyons tranquilles et je ne pense pas que le Révérend Patterson vienne nous chercher ici… Mais, voyons, faisons un peu l’inventaire de la bourse que le plus heureux des hasards a fait tomber entre nos mains.

Je la vidai sur la table et constatai qu’elle contenait exactement six cent huit francs… une fortune !

Grâce à cet argent, nous allions pouvoir enfin gagner l’Angleterre, et peut-être la Hollande.

Décidément, la Providence veillait sur nous.

Après avoir absorbé, non sans répugnance, un horrible repas que nous fîmes monter dans notre chambre, nous nous disposâmes à nous mettre au lit.

À ce moment, mes inquiétudes me reprirent.

Devais-je partager le lit avec Manzana ?

J’hésitai longtemps, puis finalement, je trouvai une solution. Il y avait deux matelas, j’en mis un par terre, pris une couverture et m’installai le plus loin possible de la porte, sous laquelle passait un vent glacial.

Je m’étais couché tout habillé, Manzana aussi d’ailleurs, et nous avions laissé la lampe allumée.

Malgré les serments que nous avions échangés, nous continuions à nous regarder en ennemis.

J’avais le diamant, Manzana le revolver, mais j’avais eu soin, lorsque je lui avais rendu cette arme, de la rendre inoffensive.

— Dites donc, Pipe, me cria soudain mon associé, est-ce que vous avez chaud, vous ?

— Ma foi, non, pas précisément.

— Si nous faisions allumer du feu… nous allons attraper la crève ici…

— Du feu… du feu !… c’est facile à dire, mais n’avez-vous pas remarqué que la cheminée est condamnée…

— Quelle turne de malheur, bon Dieu !… pourquoi aussi sommes-nous venus ici… Il ne manque pas d’hôtels où nous aurions été mieux et tout aussi tranquilles…